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Les Usages orphelins (usages non-pourvus, usages mineurs)

09 mars 2012

Au préalable :
Une homologation d’un produit phytosanitaire (AMM : autorisation de mise sur le marché) est accordée par les autorités françaises pour un usage précis.
1 homologation = 1 produit, 1 production, 1 dose, 1 stade, 1 mode d’application, dans des conditions météo précises. Par exemple :
Un traitement en pulvérisation foliaire contre le mildiou du radis est un usage.
Un traitement en pulvérisation foliaire contre le mildiou de l’artichaut est un autre usage.
Un traitement en enrobage de semences contre le mildiou du radis est encore un autre usage…
Chaque usage doit être homologué.

Ce visuel a été élaboré par un producteur du Veiling de Reo (Roulers) en Belgique
Publié dans l’Echo des MIN (devenu Vegetable depuis) de Décembre 2004, il était accompagné de la légende :
 » S’ils continuent à nous interdire les produits phytosanitaires, nous n’aurons plus que cette solution pour protéger nos légumes… »

Les produits de protection des plantes sont composés de substances actives. La liste des substances actives autorisées est fixée au niveau de l’Union Européenne, par la DG Sanco (Direction générale de la santé et de la protection du consommateur) après avis de l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments).

Les produits de protection des plantes sont développés à partir de ces matières actives par les industries de protection des plantes. Ces produits sont de véritables « préparations ».

Les autorisations de mise en marché (AMM) sont ensuite données par chaque Etat Membre à chaque produit spécifique pour un usage spécifique bien défini. En France, c’est le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation qui délivre ces AMM.

 

Qu’est-ce qu’un usage orphelin ?

Les procédures d’homologation sont strictes et coûteuses : du fait de la complexité de la législation, de l’importance du dossier d’homologation, le rapport entre le gain éventuel et le coût de l’homologation peut décourager les firmes phytosanitaires.

Du fait de la très grande diversité des fruits et légumes, certaines productions représentent des petites surfaces et un marché insuffisant pour supporter ce coût.

Un usage est orphelin quand un producteur se retrouve sans solution autorisée pour lutter contre une maladie sur une plante à un certain stade.
Exemple : Alors qu’un désherbant est autorisé sur carottes, les producteurs ne peuvent pas l’utiliser légalement sur du fenouil. Pourtant cette interdiction n’a aucune justification agronomique, environnementale ou de sécurité des aliments.

Il y a environ 2000 demandes en cours d’instruction en France pour couvrir des  usages orphelins (non pourvus ou mal pourvus)

 

Qu’elles sont les implications économiques ?

Pour les consommateurs, les usages non pourvus peuvent avoir des conséquences très importantes. Les pertes de récolte, parfois catastrophiques, et la diminution de la qualité, qui peut rendre le produit peu ou pas commercialisable, réduisent la quantité de marchandise disponible sur le marché. Ces 2 facteurs entraînent une augmentation importante des prix.

Cela signifie aussi devoir consommer plus de produits importés, dont on a moins de certitudes sur les méthodes de production,  et avoir moins de choix de fruits et légumes.

Les conséquences pour les producteurs sont importantes également :

– Un gaspillage des intrants et environnemental : La parcelle a été travaillée (matériel, carburant, travail…), des plants, des engrais ont été utilisés mais la récolte n’est pas au rendez-vous.

– La tentation pour le producteur d’utiliser une solution non homologuée pour ne pas perdre sa récolte. Même si les contrôles officiels ou internes aux coopératives et les analyses de résidus limitent cette tentation, cette situation perturbe les relations de confiance nécessaires entre producteurs, intermédiaires, distributeurs et consommateur final.

– Des distorsions de concurrence entre producteurs, dans une même région, entre régions, entre Etats Membres de l’Union Européenne, puisque les règles et les contraintes ne sont pas les mêmes pour tous, les prix de revient sont inégaux.

 

Que disent la loi et les Pouvoirs Publics ?

Les Pouvoirs Publics français et européens sont attentifs aux préoccupations des organisations professionnelles et tentent de résoudre la question des usages non pourvus.
Au niveau européen, le règlement 1107/2009 (sur la mise en marché des produits phytosanitaires) prévoit plusieurs dispositifs pour faciliter les homologations en s’appuyant sur celles qui sont déjà réalisées dans les autres pays. C’est la « reconnaissance mutuelle ».
Les usages « mineurs » peuvent bénéficier d’une procédure dite d’extension d’usage, permettant une instruction relativement allégée à partir d’une homologation existante sur une autre culture.
Au niveau français, la « Commission Usages Orphelins » est le cadre d’un dialogue entre administration et représentants de la profession et peut apporter des solutions à court terme : dérogations ou homologations temporaires en cas d’urgence, simplification du catalogue des usages, priorités d’expérimentation, etc.

Cependant, le contexte politique global en France, et en particulier le Grenelle et le plan Ecophyto 2018,  amènent des contraintes supplémentaires, qui vont même au-delà des règles fixées par l’Europe.

En parallèle, de nouvelles réglementations (françaises ou européennes) augmentent encore le nombre d’usages non pourvus ou mal pourvus.  Beaucoup de matières actives sont régulièrement retirées dans toute l’Union Européenne et les « dérogations pour usages essentiels » qui étaient possibles jusqu’en 2007 n’ont pas encore été remplacées par des solutions alternatives.

De plus, les pressions extra-réglementaires, venant des lobbies environnementaux ou de la grande distribution, sont extrêmement importantes et peuvent avoir tendance à paralyser les autorités. La situation devient très préoccupante.

 

L’essentiel :
Les producteurs peuvent se retrouver dans l’impossibilité de protéger leurs cultures. Ils sont alors soumis à des récoltes aléatoires et à une certaine fragilité économique.
Les conséquences sont un risque de disparition de certaines productions.
Même si les Pouvoirs Publics sont conscients de ces difficultés et mettent en place des solutions palliatives, les nouvelles règlementations viennent compliquer la donne.

 

Quelques documents essentiels sur le sujet :

Conclusions de la conférence de 10 organisations européennes de Novembre 2011 : voir « Conférence cultures de spécialité et usages mineurs Bruxelles (07 novembre 2011) »

ForumPhyto PointsChauds0904 de novembre 2009  sur la conférence de Bruxelles de 8 organisations :  PointsChauds0904

ForumPhyto PointsChauds1102 du 12 février 2011 (position commune de 8 organisations européennes sur les usages orphelins : PointsChauds1102

Pour aller plus loin, voir Réglementation / Pour aller plus loin / usages-orphelins-facteurs-positifs-facteurs-aggravants/